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La Grande Guerre a marqué la production scientifique des facultés de droit. Divers supports témoignent de l’engagement des juristes et donnent à voir leurs analyses de la place du droit en ces circonstances exceptionnelles. La guerre dans ses différents aspects devient ainsi un sujet important des thèses pendant et après le conflit.
Les thèses
« À la Faculté de Droit », [Soutenance posthume de la thèse de Ludovic Valatx, à la Faculté de droit de Toulouse, le 18 décembre 1916], L'Express du Midi, 22 décembre 1917.
Source Ville de Toulouse, Bibliothèque municipale de Toulouse-Rosalis, cote P014
Ludovic Valatx (1875-1916) est docteur en médecine. Originaire de Carmaux (Tarn), il administre les mines et usines de Peyrebrune (Tarn) et obtient sa licence en 1911. Il débute une thèse en doctorat mais elle est encore inachevée en 1914 lorsqu’il est mobilisé. Malade, il est évacué du front début 1916 et meurt le 10 août 1916 à Arcachon. Il a pu finir la rédaction de sa thèse mais elle n’a pas été soutenue. La faculté de droit de Toulouse lui décerne le 18 décembre 1917 le titre de docteur après une soutenance posthume. La presse locale s’en fait l’écho comme L’Express du Midi le 22 décembre 1917.
« Post-scriptum », Ludovic Valatx, Monographie sur le mouvement de la population dans le département du Tarn, de 1801 à 1911 ; résultats, causes, remèdes. Thèse pour le doctorat de l'Université de Toulouse, Albi : Impr. coopérative du Sud-Ouest, 1917, XII-209 p.
Bibliothèque Cujas, cote 45.058 1917-11 VALDocument numérisé consultable ici.
Imprimé à Albi en 1917, la thèse pour le doctorat de Ludovic Valatx a pour président Houques-Fourcade et suffragants Thomas et Cézar-Bru. A la suite des quelques 200 pages de la thèse évoquant le département du Tarn et son évolution démographique en lien avec l’exode rural, un post-scriptum est inséré. Il retranscrit les impressions du médecin aide-major Valatx sur le front en octobre 1915 se souvenant de sa terre natale.
« Préface », Gabriel Carrière, Essai de synthèse professionnelle. La représentation des intérêts et l'importance des éléments professionnelles dans l'évolution et le gouvernement des peuples. Thèse pour le doctorat de l'Université de Toulouse. Albi : Impr. des orphelins-apprentis, 1917, III-331 p.
Bibliothèque Cujas, cote 45.058 1917-5 CAR
Peu de thèses sont soutenues à la faculté de droit de Toulouse pendant la guerre. Si le conflit n’y est généralement qu’indirectement abordé, ces écrits sont portés par la conviction que la guerre est pour le juriste un véritable révélateur du monde de demain. En ce sens, l’œuvre doctorale, qui prépare la paix et l’avenir, est une autre façon de servir. C’est ce qui ressort particulièrement de la préface de la thèse de Gabriel Carrière, présentée ici, et du document suivant, envoi de la thèse de Bertrand Couget.
« [Envoi] », Bertrand Couget, Les colonies allemandes avant et pendant la guerre 1914-1917. Thèse pour le doctorat de l'Université de Toulouse, Toulouse : V. Rivière, 1917, 174 p.
Bibliothèque Cujas, cote 45.058 1917-6 COU
Le sentiment de mission est d’autant plus présent chez Bertrand Couget qu’il dédie sont travail à son frère disparu au combat en août 1914.
[Résultats du concours de thèses de 1915], Registres de délibérations du conseil et de l'assemblée de la Faculté de Droit de Paris, séance de l'assemblée du vendredi 16 juillet 1915.
Archives nationales, cote AJ/16/1799.
La faculté de droit de Paris se caractérise par la tentative de maintenir une continuité à tout prix. Ainsi, le concours de thèses a lieu en 1915 comme avant la guerre. De futurs professeurs sont parmi les lauréats : René Cassin, Paul Esmein et Henry Solus. Cependant, le concours porte sur des thèses soutenues en 1914, et des trois thésards cités, Esmein et Solus sont au front et Cassin n’y est plus après avoir été grièvement blessé. La normalité n’est que de façade.
Transcription : « Concours de ThèsesMr Joseph Barthélemy fait connaitre les propositions de la Commission du concours de Thèses de doctorat.
La Commission propose d'accorder sept prix et six mentionsPrix :M.M. Amiaud Marie, Joseph, Félix, Émile, Andréné à Paris, le 2 Décembre 1883.Bechmann, Joseph, Paul, Renéné à Paris, le 3 février 1888.de Bourbon, Sixte Ferdinand, Marie, Ignace, Pierrené à Rorschacherberg (Suisse) le 1
[Résultats du concours de thèses de 1915], Registres de délibérations du conseil et de l'assemblée de la Faculté de Droit de Paris, séance de l'assemblée du vendredi 16 juillet 1915 (fin).
Archives nationales, cote AJ/16/1799.
Transcription : « […] Solus Julien, Léopold, Henriné à Vervins (Aisne) le 9 juin 1892.Triandafil, Ernestné à Husi (Roumanie) le 21 novembre 1888.Les propositions de la Commission sont adoptées à l'unanimité.L'État ne mettant à la disposition de la Faculté qu'une somme de mille francs, pour le prix des thèses, la Faculté décide qu'une somme de quatre cents francs sera prélevée, cette année, sur les revenus disponibles de la succession Goullencourt.Mr le Doyen fait connaître à la Faculté qu'il n'y a eu, cette année, aucun mémoire déposé pour le concours de doctorat, ni pour le Concours Rossi.Il n'y a pas eu, non plus, en 1915, de concours général entre les élèves de troisième année de toutes les Facultés de Droit de l'État.La séance est levée à six heures. »
[Répartition par matière des thèses soutenues en 1916], Registres de délibérations du conseil et de l'assemblée de la Faculté de Droit de Paris, séance de l'assemblée du jeudi 25 janvier 1917.
Archives nationales, cote AJ/16/1799.
A la faculté de droit de Paris, bien que le nombre de thèses soutenues chute, les thèmes et matières se diversifient et montrent l’impact de la guerre sur la réflexion des chercheurs.
Transcription : « Nomination de la commission du concours des thèses et du Rapporteur général des concours.
Mr le Doyen invite l'assemblée à procéder à la nomination de la Commission du Concours des thèses soutennues en 1916. Cinq thèses seulement ont été retenues pour le concours sur les cinquante cinq dont la soutenance a eu lieu l'année dernière et qui se répartissent ainsi :
Droit civil 12
Droit commercial 6
Droit international privé 1
Législation industrielle 1
Droit pénal 2
Histoire du droit privé 1
Droit administratif 7
Économie politique 4
Législation financière 6
Législation coloniale 1
Droit public 1
Droit constitutionnel 1
Histoire du droit public 4
Droit international public 6
Économie rurale 2
Conformément à l'avis de Mr le Doyen, la Faculté estime qu'en raison du petit nombre des thèses retenues, il suffit de constituer une Commission de cinq membres.
Les membres désignés sont M.M. Leseur, Paul Fournier, Piédelièvre, Wahl, Percerou. »
Paul Thomas, « Blommaert (W.), Les châtelains de Flandre. Etude d'histoire constitutionnelle. (Université de Gand. Recueil de travaux publiés par la Faculté de Philosophie et Lettres, 46e fascicule), 1915 », Revue du Nord, tome 6, n°23, août 1920, p. 232-235.
Source PerséeDocument numérisé accessible ici
Cette thèse soutenue à l'université de Gand en 1914 a été imprimée à Gand, en 1915. Portant sur l'histoire de la Flandres, rédigée en français, sous la direction du professeur Pirenne malmené par les Allemands, elle constitue un pied de nez à l'occupant.
Georges Kaeckenbeeck, International Rivers: A Monograph Based on Diplomatic Documents, Londres, Sweet & Maxwell, 1918. Grotius Society Publications, n° 1.
Source Bibliothèque Cujas, cote 45.592-1
Kaeckenbeeck entame ses études de droit en 1911 à l’Université libre de Bruxelles, où il fut l’élève de Maurice Bourquin. Mobilisé en 1914, tombé gravement malade, il fut transporté en Angleterre. Rétabli, il bénéficia d’une intervention de Lord Curzon, auquel il avait été recommandé par Bourquin et Charles De Visscher, pour entrer au Magdalen College de l’Université d’Oxford. Il y obtint successivement un bachelor of civil law (1916), puis un doctor of civil law (1921). Etude sur les fleuves internationaux destinée aux délégués britanniques à la Conférence de Paris de 1919.
Les revues
[Page de titre], Revue générale de droit international public, Tome 24, 1917.
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.
Les juristes se mobilisent dans les revues pour défendre la science juridique française et en font de véritables vaisseaux de la propagande anti-allemande. La Revue générale de droit international public, considérant son objet, est particulièrement concernée par ce mouvement.
Alexandre Mérignhac, « De la sanction des infractions au droit des gens commises, au cours de la guerre européenne », Revue générale de droit international public, Paris, 1917, p. 5-56.
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.Document numérisé consultable ici.
Alexandre Merignhac, professeur de droit international à la faculté de droit de Toulouse, dénonce à de multiples reprises la pensée allemande selon laquelle la force crée le droit. Il s’inscrit en ce sens parfaitement dans la ligne éditoriale de la Revue de Droit international public pendant la guerre, qui publie nombre de ses articles.
[Page de titre], Recueil général des lois et des arrêts en matière civile, criminelle, administrative et de droit public fondé par J.-B. Sirey, Paris : Sirey, 1915.
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.
Face à la multiplication des textes d’urgence, le Recueil Sirey est un outil indispensable qui permet aux juristes d’assurer une diffusion et explication permanentes de ces mesures d’exception tout en veillant au respect d’une forme minime de légalité républicaine.
« Bibliographie mensuelle. [Extrait] », Recueil général des lois et des arrêts en matière civile, criminelle, administrative et de droit public fondé par J.-B. Sirey, Paris : Sirey, 1915.
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.
En sus de la diffusion de la législation et jurisprudence de guerre, le Recueil Sirey assure aussi la communication de la littérature de Guerre à travers sa bibliographie mensuelle.
Albert Wahl, « La législation civile de la guerre jusqu'au 31 décembre 1914 », Revue trimestrielle de droit civil, vol. XIII, 1914.
Source Bibliothèque Cujas, cote RM 4-1914.Document numérisé accessible ici.
Un des objectifs des juristes pendant la guerre à travers les revues est de lutter pour sauvegarder un droit construit et systématisé, bien qu’adapté aux rigueurs du temps. Certains, comme Albert Wahl (professeur de droit civil à la faculté de droit de Paris) dans ce texte, s’interrogent sur les conséquences de la législation de guerre adoptée depuis le mois de juillet 1914 et sa constitutionalité. Mais tant que l’ossature républicaine du régime et les grands mécanismes de l’État de droit demeurent ;, les juristes semblent accepter les inévitables et nécessaires entorses – pour ne pas dire atteintes – aux droits individuels et aux libertés publiques.
A.Albert Wahl, « La législation civile de la guerre jusqu'au 31 décembre 1914 », Revue trimestrielle de droit civil, vol. XIII, 1914 (fin).
Source Bibliothèque Cujas, cote RM 4-1914.
Albert Wahl, « La guerre considérée comme force majeure, spécialement en matière de vente de marchandises », Revue trimestrielle de droit civil, vol. XIV, 1915, p. 383-418.
Bibliothèque Cujas, cote RM 4-1915.Document numérisé consultable ici.
A l’inverse des revues à destination des publicistes, les revues de droit privé présentent la législation de guerre sous le prisme de la technicité, à l’image de cet article de Wahl. S’appuyant sur le code civil et la circulaire du ministre de la guerre du 24 novembre 1914, le professeur s’attache ici, à démontrer que bien que la guerre puisse être considérée comme un cas de force majeure, plusieurs hypothèses doivent être distinguées en matière de vente de marchandises.
Joseph Barthélémy, « Notes de droit public sur le droit public en temps de guerre - I. L'augmentation de l'autorité gouvernementale », Revue du droit public, 1915, p. 134 et s.
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.Document numérisé consultable ici.
Dans cette série de six articles publiée entre 1915 et 1917 et consacrée au « droit public en temps de guerre », Joseph Barthélemy, professeur de droit constitutionnel à l’la faculté de droit de Paris, défend une légalité républicaine de guerre. Il argue que les principes juridiques du temps de paix peuvent être limités sans que ces limitations ne puissent être considérées comme illégales.
Joseph Barthélémy, « Notes de droit public sur le droit public en temps de guerre - II. La liberté d'opinion et la censure », Revue du droit public, 1915., p. 310 et s.
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.Document numérisé consultable ici.
Deuxième partie.
Joseph Barthélémy, « Droit public en temps de guerre - III. Le gouvernement et la loi », Revue du droit public, 1915, p. 545 et s.
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.Document numérisé consultable ici.
Troisième partie.
Joseph Barthélémy, « Droit public en temps de guerre - IV. Diminution des garanties des citoyens devant la répression pénale », Revue du droit public, 1916, p. 73 et s.
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.Document numérisé consultable ici.
Quatrième partie.
Joseph Barthélémy, « Droit public en temps de guerre - Les pouvoirs publics et le commandement militaire », Revue du droit public, 1916, p. 552 et s.
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.Document numérisé consultable ici.
Cinquième partie.
Joseph Barthélémy, « Droit public en temps de guerre - Les rapports entre les pouvoirs publics et le commandement militaire », Revue du droit public, 1917, p. 146 et s.
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.Document numérisé consultable ici.
Sixième partie.
Louis Rolland, « L’administration locale et la guerre », Revue du droit public, 1915, p. 106-133, 266-309 et 500-544.
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.Document numérisé consultable ici, deuxième partie et troisième partie.
Louis Rolland, professeur de droit administratif à l’université de Nancy, participe à ce mouvement général pédagogique visant à expliquer les évolutions que la guerre induit sur le droit. Avec cette chronique en trois parties publiée dans la Revue de droit public, c’est l’administration active qui est ici visée par Rolland.
Joseph Declareuil, « "Les Discours à la Nation Allemande" de J.-Gottlieb Fichte », Revue du droit public, 1917, p. 361-403.
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.Document numérisé consultable ici.
La Revue de droit public publie ici une relecture par Joseph Declareuil, historien du droit à l’université de Toulouse, du Discours à la nation, de Fichte. Avec ce texte qui s’attaque avec virulence aux historiens allemands et aux théories pangermaniques, la Revue semble assumer une ligne de propagande anti-allemande qui se concrétise au détriment parfois de la science juridique.