« [Allocution by Maurice Hauriou] », Registres de délibérations de l'assemblée de la faculté de droit de Toulouse, séance du 13 novembre 1918.
Source: Archives of Toulouse 1-Capitole University, Heritage registers, 2Z2-16 (1908-1924).
The register of deliberations of the assembly and the faculty board transcribed Dean Hauriou's entire speech. He drew up an initial assessment and intended to show his students the way forward, calling for a "moral order".
Transcription : « Mercredi, 13 novembre 1918Le mercredi matin, 13 novembre, à la première rentrée de cours après la congé donné à tous les établissements d'enseignement à l'occasion de l'armistice, M. le doyen Hauriou a réuni les étudiants et leur a adressé l'allocution suivante :Messieurs, Bien des fois déjà, dans des heures anxieuses, je suis venu m'entretenir avec vous pour réconforter votre courage. Je viens cette fois-ci pour partager votre joie.La victoire finale, en laquelle si souvent la France avait affirmé sa foi, est arrivée. C'est à peine si l'on ose y croire et cependant cela est vrai.Dans l'essaim tumultueux des sentiments et des idées qu'éveille en vous cet événement formidable, je voudrais choisir quelques sentiments et quelques réflexions qui s'imposent particulièrement à nous dans l'enceinte de cette Faculté de Droit.D'abord, nous devons nous retourner et nous incliner pieusement vers les sacrifices accomplis. Les sacrifices accomplis ce sont nos morts, nos disparus, nos mutilés, nos prisonniers et ce sont aussi nos fantassins, nos cavaliers, nos artilleurs qui ont peiné jusqu'au bout. 150 à 200 de nos anciens camarades sont tombés au Champ d'Honneur. Nous aurons à recueillir leurs noms, leurs faits et gestes, leurs citations et à les auréoler de leur gloire dans un Livre d'Or.Il faut nous souvenir aussi que vos camarades des classes anciennes, antérieures à 1914, auront fait dans leur vie 6, 7 et 8 années de service ; que vos camarades des jeunes classes 1915, 1916, 1917, 1918 et 1919 ont été jetés dans la fournaise à dix-huit ans et que, pour eux aussi, le service sera prolongé.Pour être déjà du passé et pour avoir été faits à la Patrie, ces sacrifices n'en sont pas moins grands. Rendons-nous compte que c'est une génération entière qui s'est sacrifiée pour nous, pour que nous ne devenions pas l'esclave de l'Allemand, pour que la France continue d'être. Soyons éternellement reconnaissants à cette génération d'hommes et d'enfants héroïques !Cet hommage rendu au passé, regardons maintenant l'avenir de paix qui se lève devant nous. Tout le monde s'accorde à reconnaître qu'il ne sera pas sans nuages, sans difficulté ni sans labeur. Toute la vie française est à refaire ! Il n'y a pas seulement des villes dévastées à reconstruire, des champs à restaurer, des industries à réorganiser, il y a aussi des institutions à modifier et, surtout, des mœurs et des habitudes d'esprit à réformer. C'est un immense risorgimento à accomplir !Déjà pour les esprits clairvoyants, cet effort de réorganisation nationale eût été nécessaire après les événements de 1870 et ce n'est pas pour avoir été ajournés pendant 50 ans qu'il est devenu moins urgent, au contraire.Je n'ai pas l'intention, Messieurs, de dérouler devant vous le tableau de toutes les réformes politiques ou économiques qui vont s'imposer ; je n'en finirais pas et, au surplus, nous ne sommes pas ici dans le cadre qui convient. Vous n'êtes pas encore des hommes engagés dans l'action, mais de jeunes gens qui formez vos esprits par des études théoriques. Je me bornerai donc à appeler votre attention sur les devoirs nouveaux qui s'imposent à vous dans vos études théoriques de philosophie ou de droit.Je vous en prie, remontez au dilettantisme des doctrines. Ce dilettantisme, qui a régné chez nous des années 1880 à 1910, pendant trente ans, nous l'avons payé cher. C'est à sa faveur que ce sont introduites dans nos théories beaucoup trop de doctrines allemandes qui n'étaient qu'une offensive d'avant-guerre pour nous désorganiser et nous désorienter moralement.Persuadez-vous bien que la distinction du bien et du mal s'applique aux doctrines aussi bien qu'aux actes et qu'il y a des doctrines exécrables. Si la police de l'État s'est reconnue incompétente dans la chasse aux mauvaises doctrines, parce qu'elle est une trop lourde machine, si elle se borne à maintenir […] »